La requalification des revenus locatifs en revenus professionnels
Le principe de requalification
La question de savoir si des achats immobiliers répétés doivent ou non être considérés comme une opération normale du patrimoine privé est une question de fait qui est laissée à l’appréciation du tribunal.
La matière n'a pas évolué depuis 1962.
Même si la charge de la preuve incombe à l’administration fiscale, les cours et tribunaux ont égard à certains éléments, à savoir :
- La répétition des achats ;
- La valeur vénale des biens ;
- L’importance financière des opérations ;
- Le moyen d’acquérir : s’agit-il d’une vente “classique” ou d’un montage complexe démembrement de la propriété, donation, etc…) ;
- Le recours au crédit bancaire : quel est le pourcentage de fonds propres investis dans le projet ? Quel est le risque pris par l’emprunteur ? ;
- Le délai entre l’achat et la vente : en fonction de la durée, on peut considérer qu’il y aurait spéculation si un délai relativement court s’écoule entre l’achat et la vente ;
- Le recours à des professionnels du secteur immobilier : cette condition est discutable dans la mesure où l’on peut considérer qu’un bon père de famille fera appel à des professionnels s’il est néophyte dans le secteur immobilier.
- Le nombre d’opérations et l’importance de celles-ci : le contribuable est-il “un habitué” des opérations immobilières ? S’agit-il d’opérations importantes au niveau financier ?
- …
Les faits soumis à la Cour constitutionnelle
Le tribunal de première instance de Liège a posé une question préjudicielle à la cour constitutionnelle.
Ainsi, la juridiction d’instance voulait savoir si ces critères, flous, respectaient le principe de sécurité juridique.
Avant d’envisager la réponse de la cour, voici les éléments factuels.
Les époux B.A. et S.A. ont acquis, entre 2003 et 2018, dix immeubles qui sont soit des immeubles de commerce, soit des maisons d’habitation.
Certains de ces immeubles se divisent en plusieurs habitations. L’un de ces immeubles sert de logement familial aux époux B.A. et S.A. et à leurs enfants.
En tout, six biens peuvent être donnés en location professionnelle et treize habitations peuvent être données en location privative.
Tous les immeubles ont été acquis au moyen de prêts hypothécaires.
À la suite de deux demandes de renseignements, l’administration fiscale constate, en ce qui concerne les exercices d’imposition 2017, 2018 et 2019, que les époux B.A. et S.A. disposent de nombreux biens immobiliers donnés en location, que B.A. a déclaré peu de revenus de salarié ou des revenus de chômage, et que S.A. n’a déclaré aucun revenu professionnel.
Par avis de rectification du 22 octobre 2019 relatif aux exercices d’imposition 2017, 2018 et 2019, l’administration fiscale procède, en application de l’article 23, § 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), à la requalification en revenus professionnels des loyers perçus par B.A. et S.A.
Réponse de la cour
La cour va formuler une réponse de Normand dans son arrêt 2023-142.
Ainsi, elle va notamment déclarer
« On ne saurait par ailleurs reprocher au législateur, au nom de la sécurité juridique, de ne pas avoir fixé en l’occurrence des critères à ce point précis que l’administration fiscale et le juge ne disposeraient plus d’aucun pouvoir d’appréciation dans une matière qui se caractérise par une très grande diversité de situations. En particulier, il ne saurait être fait grief au législateur de ne pas avoir déterminé un nombre d’acquisitions immobilières à partir duquel les revenus ne sont plus imposés au titre de revenus de biens immobiliers, mais au titre de revenus professionnels, dès lors que l’ensemble des opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles qui constituent une occupation lucrative est appréhendé par l’administration, sous le contrôle du juge, à partir d’un certain nombre de faits et de constatations qui ne se réduisent pas au nombre d’acquisitions réalisées sur une période donnée.
Bien que le législateur confère à l’administration fiscale et au juge un certain pouvoir d’appréciation quant à l’application concrète des articles 23, § 1er, 2°, et 27 du CIR 1992, en particulier pour déterminer ce qui constitue une occupation lucrative générant des profits sur la base du critère des opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles, et bien que ce pouvoir puisse entraîner d’éventuelles divergences dans la pratique administrative et dans la jurisprudence, ce pouvoir d’appréciation, compte tenu de la jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation en la matière, n’enlève pas aux dispositions fiscales en cause leur caractère suffisamment précis pour satisfaire au principe de légalité en matière fiscale. «
Bref, on a tout sauf avancé.
Cet arrêt met en lumière le risque de requalification professionnelle des revenus provenant d’investissements immobiliers, basé notamment sur la fréquence des opérations effectuées par l’investisseur.
Si un investisseur multiplie fréquemment les acquisitions immobilières dans le but de les mettre en location et qu’il réalise des opérations répétées pour générer des loyers, ces activités peuvent être considérées comme une occupation lucrative par l’administration fiscale.
Ce critère de fréquence et de répétition des opérations est crucial.
Si l’administration fiscale estime qu’il y a une activité continue et habituelle liée à la génération de revenus locatifs, elle peut requalifier ces revenus comme étant professionnels plutôt que simplement immobiliers. Cette requalification peut entraîner des conséquences fiscales différentes, avec une imposition selon les règles applicables aux revenus professionnels plutôt qu’aux revenus immobiliers.
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