Les actualités immobilières

L’actu fiscale d’Aurélien

Usufruit/nu-propriété, un combo gagnant?

1ère partie : Valorisation de l’usufruit

Intérêt de l’opération

Il n’est pas rare de voir un administrateur de société acquérir la nue-propriété d’un bien, la société acquérant l’usufruit. 

Le droit de propriété est divisé entre deux personnes : l’une est propriétaire du bien, mais ne peut pas en profiter (le nu-propriétaire), tandis que l’autre en profite sans en être propriétaire (l’usufruitier). 
L’avantage de ce démembrement de propriété est que la société peut amortir la valeur d’acquisition de l’usufruit, et ce pendant toute la durée de cet usufruit. 
Elle peut également prendre en charge tous les frais d’entretien. 
Dans le cas contraire lorsque la société acquiert la pleine-propriété de l’immeuble, elle ne peut amortir le bien qu’à concurrence de 3% par an et ce pendant 33 ans. 
En cas de vente de ce bien, la société, pleine propriétaire du bien, sera taxée sur le bénéfice réalisée. 

Valorisation de l’usufruit

La question de la valorisation de l’usufruit est une question délicate. Pendant de nombreuses années régnait un flou juridique. Le code des impôts sur le revenu ne fixait aucun critère. 
Un certain nombre de dirigeants d’entreprises valorisaient l’usufruit de manière trop élevée avec le risque que l’administration fiscale considère que la surévaluation était soit un avantage de toute nature dans le chef du dirigeant (article 32 du CIR/92), soit un avantage anormal ou bénévole consenti par la société (article 26 du CIR/92). 
Le service des décisions anticipées (service fiscal qui valide ou invalide les opérations fiscales projetées qui lui sont soumis) est intervenu. 
Selon cette autorité, il faut : 
 – justifier que l’opération prévue réponde à d’autres motifs que la volonté d’éviter les impôts sur les revenus au sens de l’article 344, § 1, CIR/92 (pour quelle(s) raison(s) autre(s) que fiscale(s), il a été décidé d’opter pour l’acquisition du bien immobilier par la société au moyen d’un droit temporaire d’usufruit) ; 
– valoriser correctement l’usufruit. 

Points d’attention

La valorisation doit être examinée au cas par cas et devra entre autres tenir compte de l’état dans lequel se trouve le bien immeuble, des travaux encore à effectuer, des frais générés par la constitution de l’usufruit (frais de notaire, droits d’enregistrement,…), ainsi que de l’affectation effective donnée par la société au bien immobilier (utilisation propre, mise en location, usage intensif, usure,…). 
Les parties devront présenter un rapport d’expert indépendant (par exemple un agent immobilier, un bureau comptable, une institution financière, un cabinet de révision, …). 
Il conviendra toutefois que ce rapport fasse apparaître dans quelle mesure les éléments précisés ci-dessus ont été pris en compte par l’expert indépendant. 
Si la valeur de l’usufruit est déterminée en fonction de la valeur locative nette actualisée du bien immobilier pendant la durée de l’usufruit, il conviendra de s’assurer que le taux d’actualisation employé corresponde à la réalité. 
Ce taux d’actualisation pourra être déterminé en fonction du rendement locatif net du bien immobilier concerné, en divisant le rendement locatif net annuel par la valeur de la pleine propriété du bien. 

Illustration

Le service des décisions anticipées fournit une illustration qui permet de comprendre cette notion alambiquée. 
 – Valeur locative brute: 18.000 EUR 
– Valeur locative nette: 15.000 EUR 
– Valeur de la pleine propriété : 250.000 EUR 
– Taux d’actualisation à utiliser dans la formule : 6% = [(15.000/250.000) x 100] 
– Valeur de l’usufruit d’une durée de 20 ans = 172.048,82€ ou 68,82% de la valeur de la pleine propriété = [(15.000/6%) x (1- (1/1,06)20)]. 


En aucun cas, il ne peut être assigné à l’usufruit une valeur vénale supérieure aux 4/5ème de la valeur vénale de la pleine propriété.
Appliqué au cas d’espace, les droits d’enregistrement s’élèvent à 172.048,82€ (inférieur à 4/5 de 250.000€) x 12,5%= 21.506,10€. Ce montant est dû par la société.

Il convient, en effet, de ne pas oublier les droits d’enregistrements de 12,5% (si le bien est situé en Région wallonne ou en Région de Bruxelles-Capitale) ou de 12% (si le bien est situé en Région flamande) applicables à l’acquisition de l’usufruit. 

Critiques

Certains contestent cette formule considérant qu’elle est trop théorique et lui préfèrent au contraire une formule qui tient compte d’un taux d’inflation et d’actualisation réel. 
Les parties veilleront, si cela s’avère nécessaire en fonction de l’opération proposée, à apporter tous les éléments utiles de nature à démontrer que l’opération offre une rentabilité comparable dans le chef du nu-propriétaire et de l’usufruitier de manière à confirmer que le nu-propriétaire et l’usufruitier se comportent comme le feraient deux tiers parfaitement indépendants.

Conclusions

Bref, l’objectif est clairement de dissuader les sociétés de réaliser ce genre d’opérations fiscales. 
Si le montage est correctement réalisé, il s’agit assurément d’un win-win pour les deux parties

 Aurélien BORTOLOTTI Avocat spécialiste en droit fiscal Avocat au Barreau de Liège-Huy

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