Les actualités immobilières

L’actu fiscale d’Aurélien

Usufruit/nu-propriété, un combo gagnant?

2ème Partie : Détention et extinction de l’usufruit

Détention

La société, usufruitière du bien, peut aménager le bien et percevoir des éventuels loyers.

Elle peut amortir fiscalement l’usufruit et les aménagements ainsi que déduire les charges financières liées à l’acquisition de ce droit de propriété démembré, l’assurance incendie et doit en sens inverse, supporter le précompte immobilier et ce, conformément à l’article 49 du CIR/92.

Auparavant, le nu-propriétaire était toutefois tenu au payement des grosses réparations, comme la réparation de la charpente d’une maison, la réfection d’un mur mitoyen, l’installation ou le renouvellement du chauffage central ou l’installation ou le renouvellement de l’électricité.

Dorénavant, Le nu-propriétaire qui exécute les grosses réparations peut exiger de l’usufruitier qu’il contribue proportionnellement aux frais de celles-ci.

Cette contribution est déterminée en fonction de la valeur du droit d’usufruit par rapport à la valeur de la pleine propriété (article 3.154 du code civil) (voy. newsletter du mois de mai). ).

En revanche, seront notamment, des réparations d’entretien incombant à l’usufruitier :

  • les travaux de peinture des murs (même extérieurs), plafonds, portes et fenêtres (à l’exclusion de la première mise en peinture) ;
  • le vernissage ;
  • les réparations aux puits ;
  • les réparations (à l’exclusion du renouvellement) au parquet, au plafond, aux escaliers, au toit, le ramonage et les réparations des cheminées ;
  • la révision et les travaux à l’ascenseur ou à une pompe à eau ;
  • le recrépissage, même des gros murs ;
  • la pose de tapis (à l’exclusion de la première pose).

Le service des décisions anticipées a fixé des guides lines. Ainsi, il énonce qu’un état des lieux du bien immobilier doit être réalisé au moment de la conclusion de la convention d’usufruit.

L’usufruitier et le nu-propriétaire doivent se comporter de manière indépendante par rapport à ces travaux.

Ainsi, la société n’entreprendra que les travaux qui représentent un intérêt économique dans son chef et que toute autre société (tierce par rapport au nu-propriétaire) aurait entrepris dans les mêmes circonstances.

Plus généralement, la société se comportera comme le ferait tout autre usufruitier tiers vis-à-vis du nu-propriétaire.

L’acquisition scindée usufruit nue-propriété est dès lors intéressante lorsque des travaux importants sont à envisager. Ce démembrement de propriété ne doit pas être envisagé dans le cas de simples améliorations puisque cela n’a aucune utilité.

Extinction

A l’expiration de la convention, l’administrateur devient plein-propriétaire du bien.

L’administrateur n’aura financé que l’acquisition de la nue-propriété. Aucun droit d’enregistrement n’est dû lors de cette opération. Il s’agit du phénomène de l’accession.

Se posera la question de la valorisation des travaux, des éventuelles améliorations et des constructions réalisés par l’usufruitier.

Suivant l’article 3.160 du code civil, le nu-propriétaire doit indemniser l’usufruitier, sur la base de l’enrichissement injustifié, pour les ouvrages et plantations réalisés dans les limites de son droit, sans y être obligé et avec le consentement du nu-propriétaire.

La loi, qui a modifié la matière date du 4 février 2020, est entrée en vigueur le 1er septembre 2021.

Nous n’avons pas encore assez de recul pour savoir ce que recouvre l’enrichissement injustifié.

En pratique, son application aboutirait à devoir payer une indemnité égale au plus petit des deux montants suivants :

  • la plus-value apportée par les constructions ;
  • le coût historique (matériaux et main d’œuvre) des constructions.

En droit fiscal, les règles sont différentes.

En l’absence d’indemnisation, le fisc considère que le nu-propriétaire reçoit un avantage que n’aurait pas reçu un autre nu-propriétaire non lié à la société, ce qu’on appelle un avantage de toute nature, ATN, comme la voiture, gsm, …

En l’état actuel, bien que ce soit contestable au regard des règles de droit civil qui précisent que l’administrateur doit indemniser l’enrichissement injustifié, le nu-propriétaire devrait indemniser la société-usufruitière à concurrence de la valeur qu’ont les constructions à l’extinction du droit pour éviter l’imposition d’un avantage.

Celui-ci est donc, suivant le fisc, égal à la valeur des constructions en fin de droit ou à la différence entre cette valeur et l’indemnité payée.

Si aucune indemnisation n’est prévue, il y a un risque en effet de taxation soit dans le chef du nu-propriétaire (qui devient plein propriétaire d’un bien remis en état sans qu’il ait supporté la moindre dépense), soit dans le chef de l’usufruitier (il est, en effet, anormal qu’une société réclame aucune indemnité vis-à-vis d’un tiers pour les travaux et améliorations qu’elle a financièrement supportés).

Les conséquences négatives sur le plan fiscal pourraient venir réduire à néant les économies escomptées de l’opération de démembrement.

Conclusions

Bref, l’objectif est clairement de dissuader les sociétés de réaliser ce genre d’opérations fiscales.

Si le montage est correctement réalisé, il s’agit assurément d’un win-win pour les deux parties.

 Aurélien BORTOLOTTI Avocat spécialiste en droit fiscal Avocat au Barreau de Liège-Huy

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